Recherches et rédaction

2022-2023

 

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La rue Léopold I suit un long tracé irrégulier du parvis Notre-Dame sur le territoire de Bruxelles-Laeken (nos1 à 303 et 2 à 282) à la place Reine Astrid sur le territoire de Jette (nos305 à 527 et 284 à 482). Elle croise le boulevard Émile Bockstael, l’avenue Prudent Bols, l’avenue Charles Woeste et le boulevard de Smet de Naeyer. Plusieurs routes y débutent ou s’y terminent.

Cette ancienne route, alors nommée rue du Bloc, date probablement des XVe-XVIe siècles et est l’une des plus anciennes artères orientées est-ouest dans la partie nord-ouest de Bruxelles. Elle suivait la crête des vallées du Molenbeek et du Drootbeek et reliait le centre du village de Laeken à celui de Jette (actuelle place Reine Astrid), d’où elle s’étendait encore jusqu’au centre du village de Ganshoren (actuelle rue Prince Baudouin). Au niveau de l’actuelle place Reine Astrid, elle formait une intersection importante avec les axes nord-sud entre Bruxelles et Wemmel (actuelle chaussée de Wemmel).

Elle reçoit son appellation actuelle lorsque Léopold Ier, prince de Saxe-Cobourg-Gotha (1790-1865), devenu roi des Belges le 21.07.1831, fait sa joyeuse entrée à Bruxelles par cette route. Trois arcs de triomphe sont construits le long de la rue pour célébrer ces festivités. La rue est pavée en 1850 et son tracé est redressé à la suite des arrêtés royaux du 26.01.1880 et du 30.05.1887.

À l’origine, la première partie de la rue, du côté est de la voie ferrée, ne longeait pas les lignes de chemin de fer, mais s’incurvait davantage vers le nord, là où se trouve actuellement la partie sud du cimetière. Elle donnait alors accès à la maison de campagne du banquier Matthieu qui, à partir de 1855, sert de maison de retraite, institution mentionnée dans les Almanachs du Commerce et de l’Industrie jusqu’en 1926. Dans les années 1880, ce premier tronçon de rue est remplacé par l’actuel, qui commence perpendiculairement au parvis Notre-Dame avant de tourner le long de la voie ferrée.

Jusqu’au début du XXe siècle, la rue présentait un caractère rural et comprenait de nombreuses auberges, maisons de campagne et petites fermes. Ces bâtiments sont visibles sur la carte de Vandermaelen datant de 1846-1854. Ainsi, l’auberge Spiegel Huys (aujourd’hui disparue) se situait à la fin de la rue, à l’intersection entre la chaussée de Jette et la rue Léopold I. L’auberge Pannenhuis, située à l’intersection de cette rue et de l’actuelle rue du Pannenhuis, ou l’ancienne Voetweg van Panhuis naer Brussel, date du XVIIe siècle et abrite encore un restaurant actuellement (voir no317). Un second établissement «?À la nouvelle Pannenhuis?» a été ouvert vers 1830 et était situé dans un bâtiment néoclassique (aujourd’hui disparu) comprenant un grand jardin et une terrasse. Un petit château éclectique appelé Château de la Ferraille (aujourd’hui disparu) était situé à l’emplacement de l’actuel supermarché du no513. Près de l’actuelle maison de repos du Magnolia (no314) se trouvait la maison de campagne de M. Van Roye (par la suite propriété du baron Bonaventure), de style néoclassique, qui fut transformée et agrandie pour devenir l’Institut Saint-Augustin au début du XXe siècle. Ce grand complexe éclectique aux éléments néogothiques comprenait plusieurs ailes abritant des salles de soins, un couvent pour les sœurs augustines et une chapelle entourée d’un parc et de prairies. En 1978, l’ensemble fut démoli et remplacé par la maison de repos du Magnolia.

Le sculpteur Ernest Salu, spécialisé dans les monuments funéraires, s’est installé au début de la rue côté impair, près du cimetière. En 1881, il y fait construire sa maison (voir no17), à laquelle il ajoutera plus tard trois autres maisons (voir nos19, 21, 23). Au no25, Salu avait installé un atelier de taille de pierre, contre lequel son fils et successeur, Ernest Salu II, fait construire en 1924 un garage de plain-pied, exhaussé de deux étages un an plus tard. À l’arrière se trouve un atelier à charpente métallique. Du côté pair, le long de la voie ferrée, la seconde moitié de la section de la rue est restée longtemps en friche, sauf là où elle était occupée par des fabricants de monuments funéraires. Deux ateliers subsistent actuellement (nos38 et 40), tandis qu’un ensemble de maisons fut érigé en 2009 sur la partie restante du terrain.

Une première phase de construction s’est déroulée entre 1860 et 1914. Les premiers bâtiments consistaient principalement en des maisons modestes et ouvrières de style néoclassique, dont l’ensemble formé par les nos157 à 177 qui a été conçu en deux phases: les deux maisons de droite en 1885, avec, à gauche, un passage vers trois maisons à l’arrière de la parcelle, et les trois maisons de gauche en 1887, situées devant trois autres maisons à l’arrière. Parmi les maisons néoclassiques plus cossues et plus tardives, nous pouvons citer le no28, ainsi que les nos183 et 185 (1898), chacune dotée d’une porte cochère menant aux bâtiments à l’arrière. Les bâtiments de style éclectique datant d’avant la Première Guerre mondiale sont, notamment, quelques maisons bourgeoises et immeubles de rapport, comme les nos24 et 26, un ensemble conçu en 1906 pour Ernest Salu, le no30 (1906), décoré de carreaux de mosaïque, et les nos138 (1910) et 269, deux maisons avec lucarne passante sous pignon à rampants droits. Nous pouvons également mentionner, au no86 (1898), une maison de style pittoresque construite perpendiculairement à la rue, aujourd’hui fermée par une dépendance, mais dont la corniche à lambrequins a été conservée. Plusieurs bâtiments disposent d’un rez-de-chaussée commercial, comme le no216 (par l’architecte Victor Dirickx, 1911), le no231, un grand immeuble de rapport de 1908, ou le no260 (par l’architecte Max Vanden Berg, 1915), dont le bow-window en béton armé éclairait une salle de réception. Trois projets de l’architecte P. Heine ont été primés lors des concours de façades organisés par la commune: le no214 pour l’année 1910 (voir ce numéro), et les nos140, modifié au rez-de-chaussée, et 152 (voir ce numéro) pour les années 1913 à 1915.

La forte croissance démographique du quartier a conduit à la création d’une nouvelle paroisse fondée en 1913 en l’honneur de Notre-Dame de Lourdes. La même année, une église provisoire est commandée par l’abbé Michel Swalus et conçue par l’architecte Chrétien Veraart (voir no290). À côté de l’église éclectique, la paroisse fait construire en 1915 une réplique de la grotte de Massabielle près de Lourdes, qui rencontre rapidement un grand succès auprès des pèlerins. En 1930, le site de pèlerinage s’agrandit par l’ajout d’une croix du Calvaire, de 15 chapelles du Rosaire et de 14 chapelles avec stations du Chemin de croix.
Le même duo – l’abbé M. Swalus et l’architecte Ch. Veraart – s’est chargé de créer deux nouvelles écoles à l’intérieur des parcelles des nos305-307 (voir ces numéros) et 362 de la rue Léopold I. Le long du côté pair se trouvait l’école des filles, qui consistait à l’origine en un bâtiment sobre de plain-pied comprenant quatre salles de classe (1925), agrandi et complété ultérieurement par l’ajout de nouveaux bâtiments (1927-1930) (no362). Le bâtiment situé le long de la rue, qui abrite une cour de récréation intérieure et des salles de classe, a été construit en 1954 par l’architecte Marcel Anneet. Il s’agit aujourd’hui de l’école maternelle et primaire Sint-Michiels. Une école de garçons a vu le jour vers 1915 de l’autre côté de la rue et a été agrandie à plusieurs reprises par la construction de nouveaux bâtiments. Cette école est aujourd’hui divisée entre l’école maternelle et primaire francophone Notre-Dame-de-Lourdes et l’école maternelle et primaire néerlandophone Sint-Pieterscollege.

Une deuxième phase de construction a lieu durant l’entre-deux-guerres et se caractérise également par des maisons bourgeoises et de petits immeubles à appartements de style éclectique. Nous pouvons par exemple mentionner l’enfilade homogène d’immeubles de rapport des années 1920 à l’angle nord-est de la place Émile Bockstael: place Émile Bockstael nos4 à 6, et rue Léopold I nos104-106 et 108-110, conçus par l’architecte Charles Thomisse (voir ces numéros), ainsi que les nos112 (par l’architecte Léon Denis, 1923), à l’origine avec pignon, et 114 (1928), également signé Charles Thomisse. La large maison bourgeoise du no345 a été construite par l’architecte Charles Danlée (1933). Au no329, une maison de maître éclectique entourée d’un grand jardin a été construite vers 1920 pour le docteur De Meester et a été transformée en centre communautaire néerlandophone Essegem en 1977 (voir ce numéro).
Le long du côté impair des deux îlots situés juste avant l’avenue Charles Woeste, les bâtiments disposent de jardins avant clôturés par des grilles métalliques (nos351 à 391). Parmi ceux-ci, nous pouvons mentionner aux nos353 à 361, l’enfilade homogène de maisons bourgeoises des années 1920 (no355 par l’architecte Paul de Vadder, 1927, no357 par l’architecte Henri Lacoste, 1926).
Durant l’entre-deux-guerres, des immeubles présentant des éléments de style Art Déco voient également le jour, comme aux nos166 et 166a (par l’architecte Louis Tenaerts, 1928), les nos223-227 (1936), un immeuble à appartements avec commerce au rez-de-chaussée, ou les nos297-299, les anciens ateliers et bureaux de la Société des Camions Liberty, conçus en 1930-1931 et rénovés à plusieurs reprises par la suite. Au no238 se trouve un entrepôt à la façade moderniste portant l’inscription «?PROGRÈS S.A.?» (par les architectes A. Demeulemeester et G. Maillé, 1937).

L’ensemble d’immeubles à appartements avec entrepôt et atelier des nos483-485 à 489 a été construit dans les années 1970 (voir ces numéros). Cet ensemble original se compose de façades comprenant des colonnes en briques flanquant une combinaison originale de panneaux en béton décoratif et en Eternit.

À l’angle entre rue Léopold I n°116, avenue Richard Neybergh n°4 et rue Laneau n°5-7 se trouve l’école maternelle Léopold Ier, l’ancienne école maternelle no21, installée vers 1920 dans l’ancien Château des Canons, qui abritait auparavant le café-restaurant La Grande Laiterie royale. L’école maternelle a été partiellement rénovée par l’architecte Paul-Émile Vincent en 1956-1958. Les bâtiments actuels de la rue Léopold I datent de 1975-1976.

Sources

Archives
rues AVB/AR rues, boîte 72-78, cote 78, no15 (10.02.1914).
AVB/IP II 684 (1903-1915).
AVB/NPP P4 (1929).
AVB/TP 3263 (1929).
AVB/TP 57135 (1905)?; 2426: Laeken5176 (1906)?; 25: 50513 (1923-1924), 52081 (1925), 54037 (1925); 30: Laeken5185 (1906)?; 86: Laeken5005 (1898)?; 112: 54033 (1923); 114:38893 (1928); 116: 72803 (1956), 72650 (1958), 87303 (1975), 90241 (1976); 138: Laeken PV Reg. 111 (21.02.1910)?; 140: Laeken PV Reg. 154 (27.12.1913)?; 157 à 165: Laeken 3768 (1885)?; 167 à 177: Laeken 3903 (1887)?; 166166a: 52131 (1928); 185: Laeken5012 (1898)?; 216: Laeken 3467 (1911)?; 223-227: 45157 (1936); 231: Laeken 4512 (1908)?; 238: 51122 (1937); 260: Laeken 3677 (1915)?; 297-299: 40025-40029 (1930-1931), 54597 (1940), 66201 (1953), 62034 (1953), 64045 (1956), 68841 (1956), 73401 (1962), 78395 (1964), 81543 (1970), 91153 (1984).
ACJ/Urb. 314: J5281 (1978)?; 345: 7025 (1933)?; 355: 6722 (1932)?; 357: 4487 (1926)?; 361: 3993 (1924)?; 362: 4390 (1925)?; 4760 (1927)?; 5949 (1930)?; J1798 (1954).


Ouvrages
COSYN, A., Laeken Ancien & Moderne, Imprimerie scientifique Charles Bulens, Bruxelles, 1904, pp. 30, 139-140, 149-150.
CULOT, M. (dir.), Bruxelles Hors Pentagone. Inventaire visuel de l’architecture industrielle à Bruxelles, AAM, Bruxelles, 1980, fiche 44.
MOUTURY, S., CORDEIRO, P., HEYMANS, V., Le logement ouvrier et social à Laeken. Étude historique et architecturale débouchant sur des propositions de mesures de protection, Cellule du Patrimoine historique de la Ville de Bruxelles, Bruxelles, 1997, p. 26b.
PAULUS, G., Jette, Guides des communes de la Région Bruxelloise, CFC-éditions, Bruxelles, 2000, pp.17, 63-65, 70.
TRIBOT, J.-P., Bruxelles (Laeken, Neder-Over-Heembeek, Haeren), Guide des communes de la Région bruxelloise, CFC-éditions, 2005, pp.38-39.
VAN NIEUWENHUYSEN, P., Toponymie van Laken (thèse de doctorat en philologie germanique), UCL, Louvain-la-Neuve, 1998, p.1376.


Périodiques
Almanach du Commerce et de l’Industrie, «?Léopold (rue)?», 1914.
Almanach du Commerce et de l’Industrie, «?Léopold I (rue)?», 1920, 1926.
CULLUS, Ph., «?Laeken. Commune annexée, commune oubliée???», dans: Bulletin trimestriel du Crédit communal, 153, juillet 1985, pp.34-35.
VAN DEN HAUTE, R., «?Le Pannenhuis?», Comté de Jette, 14, 1-2, 3-4, 1984: pp.3-10.


Cartes/Plans
VANDERMAELEN, Ph., Atlas cadastral du Royaume de Belgique, plan parcellaire de la commune de Laeken avec les mutations jusqu’en 1836.
POPP, P. C., Atlas cadastral de Belgique, plan parcellaire de la commune de Laeken avec les mutations, 1866.