Recherches et rédaction

1989-1994

 

Voir les biens de ce lieu repris à l'inventaireCet important ensemble architectural néoclassique fut réalisé entre 1776 et 1782 en même temps que le Parc (voir Parc de Bruxelles). Il fut tracé en remplacement de l’ancien Palais ducal, de la place des Bailles et de la Warande au Nord, d’une partie de l’ancienne abbaye de Coudenberg à l’Est (voir rue de Namur, nos 4-12), des anciens Hôtels de Tirimont et de Merode, au Sud (voir nos 3 et 4), de l’ancien Cour d’Hoogstraeten et d’une partie de la rue Isabelle à l’Ouest (voir nos 10 et 11-14). L’histoire de la genèse et de la construction de la place Royale a fait l’objet d’études approfondies par G. Des Marez et P. Saintenoy.

L’édification sur le Coudenberg, une colline à l’Est de la ville, d’un château comtal, destiné à remplacer le castrum Saint-Géry, remonte au plus tôt à environ 1047-1070, au gouvernement de Lambert II Balderic, comte de Louvain (d’après P. Bonenfant) et au plus tard à celui d’Henri Ier duc de Brabant (d’après G. Des Marez). Au cours des XIIIe et XIVe siècles furent réalisées diverses extensions parmi lesquelles la construction d’une chapelle castrale gothique en 1363-1364 pour les ducs Jeanne et Wenceslas. Les considérables travaux de construction et d’agrandissement du XVe au XVIIe siècle aboutirent à un véritable Palais ducal. D’après les documents iconographiques, c’était un ensemble de bâtiments gothiques ou Renaissance disposés autour d’une cour intérieure plus ou moins trapézoïdale avec un puits; devant, s’étendait une place clôturée. À l’Ouest se trouvait la « Magna Aula » ou salle de réception, vaste édifice de plan rectangulaire flanqué de tourelles construit en 1452-1461 sur ordre de Philippe le Bon, d’après les plans de l’architecte W. de Voghel. La chapelle de la Cour attenante, orientée au Nord, de style gothique tardif avec des caractéristiques Renaissance (voir n° 10) était dédiée aux saints Philippe et Jean-Baptiste. Sa construction, commencée en 1524 pour Charles Quint sur un projet de R. II Keldermans modifié après sa mort par L. van Bodeghem, fut poursuivie sous la direction de L. Keldermans et H. van Pede, interrompue de 1538 à 1548 et achevée en 1553 sous celle de P. van Wyenhove et J. van den Gheere. C’est sur les plans de ces derniers maîtres d’œuvre que l’abside fut reliée à la sacristie datant de 1554-1555. Au Nord-Est (vers le Parc), l’aile d’habitation ducale de 1431-1436 et l’aile de galerie de 1533-1537 furent reconstruites au XVIIe siècle sous les archiducs Albert et Isabelle. À l’Est (vers le passage du Borgendael) s’élevaient diverses dépendances disposées en V et, au Sud, une aile destinée au service dont une partie remontait sans doute à 1478, avec un corps de portail transformé au XVIIe siècle. La place devant le Palais, dite place des Bailles, mentionnée dès 1340, et dont l’enceinte initiale était en bois (1434), fut pourvue en 1509 d’une nouvelle clôture en pierre conçue par A. I et A. II Keldermans.
La « Magna Aula » et la chapelle de la Cour jouxtaient autrefois à l’Ouest une courte ruelle en coude descendant en pente raide vers la rue Terarken, ruelle dite Petite rue d’Angleterre et bordée de l’autre côté par la Cour d’Hoogstraeten (voir nos 10 et 11-14). Vers 1620-1625, l’Infante Isabelle la fit prolonger vers le Nord pour rejoindre la rue des Douze Apôtres et elle fut alors appelée rue Isabelle.

En 1731, un violent incendie réduisit la plus grande partie du Palais ducal en un monceau de décombres. Le site resta dans cet état jusqu’en 1764, lorsque le duc d’Ursel, gouverneur militaire de Bruxelles, décida de créer une esplanade destinée à la parade et aux manœuvres militaires, à l’emplacement de la place des Bailles et des ruines du Palais. En 1772, intervint un accord au sujet du remblayage, du nivellement et de la réalisation par la Ville d’une place rectangulaire arborée avec maintien des bâtiments l’entourant et de la chapelle ducale, conçue par les ingénieurs-architectes C. Fisco et L.-J. Baudour. Le plan initial fut pourtant abandonné par suite de la décision des États de Brabant d’ériger une statue en l’honneur du gouverneur général Charles de Lorraine.
Le ministre plénipotentiaire, le prince A. de Stahremberg, souhaitait d’autre part la création d’une place monumentale ouverte, sur le modèle français de la place Royale, comme entre autres la place Stanislas réalisée à Nancy en 1751-1755 et la place Royale à Reims en 1759. Le projet reçut en 1774 l’assentiment de l’impératrice Marie-Thérèse qui renonça en faveur de la Ville à sa juridiction sur les Bailles et le Palais et autorisa la démolition complète de ce dernier. Le comte de Sart, vicomte de Bruxelles, céda de même à la Ville son droit de justice sur le Borgendael. La « Magna Aula » fut rasée en 1774 et la chapelle ducale en 1775. Le projet primitif de la place Royale fut, par lettres patentes du 20 juillet 1776 élargi en un plan urbanistique monumental englobant le tracé d’un parc public et des rues environnantes, pour remplacer la Warande ducale (voir Parc de Bruxelles).

Pour en hâter la réalisation mais surtout en raison des coûts élevés d’achat des terrains et de construction des pavillons, le gouvernement fit appel à des abbayes comme celles de Coudenberg et de Grimbergen et se tourna ensuite vers la comtesse de Templeuve et le comte de Spangen, la Gilde des Brasseurs, le Lotto impérial et le marchand de vins de Proft. Pour la conception architecturale, on consulta des architectes français : J. B.V. Barré élabora un projet de base prévoyant des façades de type uniforme; B. Guimard répondit de l’exécution des plans et dirigea les travaux.

Place rectangulaire (environ 77 m x 113 m) formant un ensemble néoclassique fermé, uniforme et symétrique. Aux angles, portiques de liaison formant écran devant les rues du Musée et de Namur, le passage du Borgendael et la cour intérieure de l’Hôtel de Spangen. Perspective de l’axe longitudinal prolongée vers le Nord par l’allée diagonale Ouest du Parc et par la rue Royale (initialement jusqu’à la chaussée de Louvain); vers le Sud, à hauteur de la future rue de la Régence, fermée à l’origine par un portique à arcades en arc de cercle, le Passage des Colonnes. Axe transversal avec vue impressionnante — via la rue Montagne de la Cour — vers l’Ouest sur la vieille ville en contrebas, avec l’Hôtel de Ville, et tourné vers le fronton monumental de régi, du Coudenberg.
Pavillons entrepris dès 1776 et achevés probablement vers 1781, comme il ressort d’un édit du gouvernement ordonnant d’enduire dans l’année (1781), les façades en briques encore apparentes. Une série de lettres patentes de l’impératrice Marie-Thérèse régla à partir de 1775 l’achat des parcelles et la construction des hôtels et fixa des normes strictes pour le respect des plans, l’emploi des matériaux, la pente et la couverture des toits, la peinture des façades et des châssis dans la couleur prescrite, le placement de plaques de marbre noir ou blanc avec des inscriptions en lettres dorées au-dessus des portes, l’achèvement de la construction dans les deux ans, etc.

place Royale. Portiques et façades des immeubles bordant la place Royale ; Église Saint-Jacques sur Coudenberg, côté sud-est (photo [s.d.]).


La création de l’ensemble place Royale, Parc et quartier du Parc apporta à tous égards un changement saisissant dans la structure de la partie Est de la ville — intra muros — et constituera en outre une base importante pour les extensions ultérieures de celle-ci au XIXe siècle.
La place Royale offrit également un espace et un décor à de grandes manifestations publiques : embellissements architecturaux temporaires au moyen de tribunes et d’arcs de triomphe, notamment à l’occasion des entrées solennelles des princes François II (1794) et Guillaume Ier (1815), de la prestation de serment (1831) et de la célébration des 25 ans de règne (1856) du roi Léopold Ier.

L’aspect primitif fut cependant un peu modifié au cours du temps. La statue de Charles de Lorraine, œuvre de P.A. Verschaffelt érigée en 1775 au centre de la place, fut, sous le Régime français, abattue et fondue en 1794 et remplacée jusqu’en 1814 par un arbre de la Liberté. En 1848, on érigea la statue équestre de Godefroid de Bouillon (cf. infra). Le tracé de la rue de la Régence (première phase) en 1827 fit disparaître le Passage des Colonnes construit par B. Guimard en 1780-1781. Les bornes de pierre bleue reliées par des chaînes de fer qui bordaient initialement la place disparurent au milieu du XIXe siècle et furent remplacées par des trottoirs.
Bien que l’allure générale ait été conservée, l’uniformité des pavillons — par suite du glissement progressif de la fonction au départ essentiellement résidentielle vers une fonction commerciale — a été fréquemment rompue par des modifications dans les façades, telles que la surélévation ou l’abaissement des fenêtres de cave, les changements dans les châssis, les modifications de volume, le renouvellement des toits avec une pente plus forte, des annexes ne respectant pas l’échelle, etc.

place Royale. Statue équestre de Godefroid de Bouillon et bas-reliefs (photo 1990).


Place dont le sol est pavé en éventail. Actuel nœud de circulation intense avec fonction giratoire (depuis 1921) pour le trafic Nord-Sud et Est-Ouest. Au milieu, statue équestre de Godefroid de Bouillon signée E. Simonis, inaugurée en 1848. Haut socle conçu par l’architecte T.-F. Suys. Bas-reliefs en bronze ajoutés en 1897 par G. De Groot, avec textes explicatifs. Terre-plein à l’origine entouré de grilles entre des dés, supprimées par la suite; autour, simples réverbères en fonte. 

Pavillons n° 1 à 14.
Remarquable ensemble néoclassique Louis XVI réalisé entre 1776 et 1782. Composition symétrique avec huit pavillons d’angle de trois niveaux : façades à trumeaux colossaux enduites et peintes en blanc cassé, sur soubassement peint en gris; huit travées de large sur les longs côtés de la place ou sept sur les petits côtés. Dès l’origine, variation de la largeur des façades latérales, donnant sur les rues avoisinantes : au Nord, vers la rue Royale, huit travées (nos 9, 10); à l’Est, probablement cinq travées vers l’impasse du Borgendael (nos 7-8) et deux travées vers la rue de Namur (n° 5-6); au Sud, vers la rue de la Régence, trois travées (nos 3, 4) ; à l’Ouest, vers la rue Montagne de la Cour, à l’origine quatre (nos 1-2) et huit travées (nos 13-14).

Rez-de-chaussée souligné par des refends et une large corniche profilée; ordonnance d’arcades cintrées à clé en volute reliées par leurs impostes; fenêtres surbaissées inscrites avec appui saillant sur consoles rudentées à gouttes, jours de cave rectangulaires. Portes rectangulaires à traverse droite décorée et baie d’imposte vitrée surmontée d’un panneau en marbre ; beaux vantaux panneautés ornés de rosettes et de petites corniches. Étages rythmés verticalement par des niches plates rectangulaires et des pilastres sur socle. Fenêtres rectangulaires caractéristiques, inscrites et à encadrement mouluré, plus petites au dernier étage, moins élevé; au bel étage, allèges ajourées d’entrelacs et entablements avec corniche sur consoles cannelées à gouttes. Au-dessus de la porte, balcon typique sur consoles à volute et feuilles d’acanthe. En couronnement : architrave à fasces, corniche à mutules et balustrade en attique.

place Royale. Portiques et façades des immeubles bordant la place Royale, côté sud-ouest (photo [s.d.]).


Portiques.
Aux angles, liaisons entre les pavillons dont la hauteur, l’ordonnance et la décoration sont presque identiques à ceux du rez-de-chaussée des pavillons.



Sources

Archives
AVB/TP 1286 (1807-1856), 1287 (1879-1881).
AGR, Cartes et plans manuscrits, 518.
CRMS, dossier 4778.

Ouvrages
BONENFANT, P.,Les premiers remparts de Bruxelles,dans A.S.R.A.B., 1936, t. 40, p. 7-46.
DES MAREZ, G.,La Place Royale à Bruxelles. Genèse de l’œuvre, sa conception et ses auteurs,Académie Royale de Belgique, Classe des Beaux-Arts, Mémoires, deuxième série, t. 1, Bruxelles, 1923.
Id.,Guide illustré de Bruxelles. Monuments civils et religieux, Bruxelles, 1918. Remis à jour et complété par A. Rousseau, Bruxelles,1979, p. 248- 260.
RENOY, G.,Bruxelles vécu. Quartier Royal,1980.
SAINTENOY, P.,Les Arts et les Artistes à la Cour de Bruxelles,t. 1, Bruxelles, 1932; t. 2, Bruxelles, 1934; t. 3, Bruxelles, 1934.
WAUMANS, J.,Bijdrage tot de studie van het Koningsplein te Brussel,mémoire de licence, V.U.B., 1986- 1987.